Entretien avec Honoré Sayi, Ministre des Transports, de l’Aviation civile et de la Marine marchande depuis le 27 septembre 2022. Il avait auparavant été nommé Ministre de l’Énergie et de l’Hydraulique en mai 2021.
Quels sont les grands axes de votre feuille de route 2024-2028 ?
Les grands axes de notre feuille de route 2024-2028 s’inscrivent, dans la matérialisation de la vision du Président de la République, Chef de l’Etat, Son Excellence Monsieur Denis Sassou Nguesso, à travers son projet de société « Ensemble poursuivons la marche » et sont bien entendus en symbiose avec le PND 2022-2026.
Pour le sous-secteur du transport routier, nous procédons à la refonte et la digitalisation des actes administratifs. Il s’agira particulièrement de la refonte et la classification du permis de conduire en deux types : celui destiné aux particuliers et la licence professionnelle accordée aux conducteurs de véhicules des transports des passagers et marchandises lourdes.
Dans le sous-secteur du transport ferroviaire, nous procédons à la réhabilitation de la voie, des ouvrages d’arts et des bâtiments des gares sur tout le réseau ferré du Congo ; la réparation du tunnel long ; le renforcement du matériel roulant ; la construction d’un atelier d’entretien et de maintenance de matériel roulant à Brazzaville ; la réouverture des écoles de formation aux métiers des chemins de fer.
En ce qui concerne les transports maritimes, notre but principal est le développement des ports maritimes et des quais portuaires. Nous construisons un port minéralier et poursuivons la redéfinition et développement de l’armement national SOCOTRAM. Parallèlement, nous créons un registre international de navires de commerce et de pêche pour faire du Congo un Etat de pavillon et nous attelons à la protection des espaces maritimes contre toutes formes de pollution, de piraterie et de criminalité en mer.
Enfin, dans le sous-secteur de transport aérien, un village aéroportuaire va être créer avec des dispositifs au standard international et nous procédons à la mise en exploitation des aéroports secondaires, produits des différentes municipalisations accélérées. Ceci s’accompagne de la relance des activités de la compagnie Ecair et la Société Nouvelle Air Congo ; la création de terminaux destinés aux vols à la demande de la clientèle spécifique ; l’achèvement du processus de certification des aéroports internationaux. Nous souhaitons l’ouverture aux sociétés de transport aérien capables d’assurer notre vocation de hub sous-régionale.
Par sa position géostratégique et ses aéroports internationaux, le Congo occupe une place incontournable en Afrique centrale. Souhaitez-vous en faire un hub international ?
En aviation, un hub désigne une plate-forme ou un aéroport choisi par une compagnie aérienne pour y faire transiter une partie notable de ses passagers et marchandises. Il est souvent utilisé pour connecter des segments d’un réseau local.
Le Congo dispose d’un aéroport international certifié OACI, il s’agit de l’aéroport de Maya-Maya de Brazzaville dont le certificat a été remis le 21 juillet 2023 et publié dans les informations aéronautiques du Congo, le 7 août 2023, avec des chaussées aéronautiques, des équipements et des installations terminales modernes et futuristes, sans oublier la présence autour de l’aéroport d’un nombre important des hôtels à très bon prix, capables de loger un maximum des passagers en transit. Le Congo peut bien mettre en place un hub international qui ne souffrira d’aucun dysfonctionnement surtout quand on sait que depuis 2014, le Gouvernement de la République du Congo est en train de consentir de gros investissements relatifs à la mise en place de la couverture et des mesures de sécurité aériennes, de la politique à ciel ouvert «open sky» et surtout de la volonté clairement affichée du Chef de l’Etat de faire de Brazzaville une plaque tournante de la sous-région.
Le gouvernement exécute en ce moment un très grand projet de construction des installations de maintenance des avions à l’aéroport Maya-Maya de Brazzaville. Les compagnies aériennes intéressées pour cette activité peuvent concentrées, puis dispatcher en étoile et par vague leurs vols pour offrir un maximum de combinaisons de voyages possibles et mieux remplir leurs plus gros avions.
Brazzaville est connecté actuellement à plusieurs villes : Paris, Libreville, Yaoundé, Lomé, Kinshasa, Luanda, Douala, Cotonou, Abidjan, Bamako, Dakar et Dubaï. Il est manifeste que le hub à Brazzaville sera une réalité.
Nous avons des populations importantes d’Afrique de l’ouest qui sont installées à Brazzaville mais aussi à Kinshasa en République Démocratique du Congo. Nous pouvons faire que ces personnes circulent facilement entre les deux Congo et leurs pays d’origine en utilisant le hub de Brazzaville.
Quels défis sont à relever concernant le transport ferroviaire ?
Le Chemin de Fer Congo-Océan (CFCO) est l’opérateur unique qui exploite la voie ferrée congolaise. Le CFCO est l’un des premiers chemins de fer construits en Afrique. Il comporte trois tronçons d’écartement métrique de 1,067m et de poids à l’essieu de 17 tonnes.
La voie reliant Pointe-Noire à Brazzaville, construite entre 1924 et 1934, longue de 510 km, comporte de fortes déclivités et des courbes à faible rayon particulièrement dans la zone du Mayombe. Le nouveau tracé dans cette même zone, appelé réalignement du CFCO, construit entre 1976 et 1985, est long de 91 km. Le tronçon Mont-Bélo/Mbinda à la frontière du Gabon, construit entre 1959 et 1962, est destiné à transporter le minerai de manganèse du Gabon au port de Pointe-Noire. Après la fin de l’exploitation de cette dernière ligne en septembre 1991 par la COMILOG, celle-ci a été remise en dotation au chemin de fer Congo-Océan (CFCO) depuis 1993.
Le réseau ferré congolais est dégradé dans son ensemble. En raison de la vétusté de la voie ferrée, la vitesse moyenne de circulation des trains, est passée de 15 à 25 km/h contre 55 à 75 km à l’origine. Cet état de fait a sensiblement réduit sa capacité de transport qui est actuellement de l’ordre de 0,7 million de tonnes marchandises contre 2,5 millions projetés. Le parc de locomotives de ligne, est de 43 engins. La disponibilité moyenne mensuelle actuelle, est de 9 locomotives, alors que les besoins optimaux pour une bonne offre à la demande actuelle, sont de l’ordre de 26 locomotives de ligne et au moins 8 de manœuvre. Le parc de wagons commerciaux et de service, connaît également un fort degré d’obsolescence. Il est de 893 au parc au 30 mai 2023 dont seulement 356 en service.
Les principaux défis à relever consiste à engager la modernisation et le renforcement du réseau ferroviaire à travers des partenariats avec des opérateurs privés et à réinstaurer les règles pratiques d’entretien et de la maintenance de la voie et du matériel roulant.
L’état de dégradation actuel de l’ensemble du réseau ferré congolais, nécessite un important investissement pour sa réhabilitation. Les études entreprises récemment, ont estimé les besoins d’investissement de l’ordre de 350 milliards de francs CFA. La seule réhabilitation de la ligne Mont-Bélo/Mbinda dans toutes ses composantes, est estimée à : 260 milliards FCFA.
Or, la voie principale du chemin de fer Congo-Océan, est un maillon essentiel de transport de marchandises (produits en conteneurs, farine, riz et ciment, carburants et gaz, produits divers de première nécessité, grumes et bois sciés, etc.) entre le port maritime de Pointe-Noire et le port fluvial de Brazzaville. Sa capacité de massification lui permet d’enlever près de 15% du trafic partant et arrivant au Port de Pointe-Noire, soit environ 2 484 000 tonnes. Ce volume de trafic peut être optimisé et augmenté si le chemin de fer est réhabilité. La ligne ex-Comilog demeure le principal moyen d’acheminement du minerai de fer de la zone de Mayoko dans le Département du Niari, vers le port de Pointe-Noire. Plus de 6 millions de tonnes par an de minerai, sont projetés à être évacués par voie ferrée.
Le financement devant porté sur la modernisation du réseau ferré congolais, peut se réaliser dans le cadre d’un contrat de délégation de service public ou en partenariat public-privé (PPP) ou encore en BOOT (Build, Own, Operate & Transfer).
Le développement des transports dans tous ses modes passe-t-il par l’arrivée de nouveaux investisseurs privés ?
Le développement des transports, dans son ensemble relève principalement de la politique publique. Si dans le cadre du PND 2018-2022, les transports en constituaient l’un des piliers, mais celui de 2022-2026, les transports en sont un support pour la mise en œuvre des autres piliers. Cependant, dans l’atteinte des objectifs du PND dont le développement des transports fait partie, le Gouvernement en raison des lourds investissements à consentir ne peut prétendre évoluer seul, il aura toujours besoin de l’accompagnement des opérateurs privés tant congolais qu’étrangers.
Une telle perspective reposera sur l’organisation d’un partenariat Public-Privé par l’incitation des Investissements Directs Etrangers (I.D.E.) avec l’appui du ministère en charge de la Coopération Internationale et du Partenariat Public-Privé. De même, il est nécessaire de mettre en place des mécanismes de financement des projets notamment le renforcement des liens de coopérations avec les banques de d’investissement et de développement aux plans régional et international. Le projet de création de la banque maritime régionale de développement en est une illustration.
Le développement des transports maritimes constitue-t-il aussi un défi pour le Congo ?
Le sous-secteur des transports maritimes et de la marine marchande demeure l’un des maillons importants de l’économie nationale qui devra répondre aux attentes du Gouvernement en matière de diversification de l’économie nationale.
Le Gouvernement de la République du Congo a entrepris de mettre en place des mécanismes visant à faire des transports maritimes, un secteur porteur, attractif, compétitif et respectueux du droit maritime international à travers la gouvernance des océans au service du développement de l’économie maritime, en particulier et de l’économie nationale, en générale.
Il s’agira de se focaliser sur le développement du port autonome de Pointe-Noire (PAPN) qui constitue une plateforme essentielle des transports maritimes, de la chaine logistique maritime et portuaire, ainsi que du commerce par voie maritime.
Afin de valoriser la vocation de pays de transit par son positionnement géographique adéquat vis-à-vis des routes maritimes desservant la sous-région d’Afrique centrale, nous souhaitons la connectivité du port aux autres modes de transports.
Nous nous attachons à la préservation et la protection du milieu marin contre toutes formes de pollution marine. La gestion durable des richesses de la mer peut assurer développement des activités économiques liées à la mer pour réduire la pauvreté et améliorer le niveau de vie des populations.
Vous avez obtenu les présidences du Comité des ministres de l’ASECNA et de l’OMAOC. Un succès inédit pour le Congo ?
Le Congo est membre de l’ASECNA et l’OMAOC. Avant la tenue à Brazzaville, des réunions statutaires de ces organisations, le Congo occupait les postes de Vice-Président. Le principe est clair, après le mandat du président, c’est le Vice-Président qui prend automatiquement la Présidence à l’issue de la session de renouvellement du Bureau du Comité des Ministres.
Les deux organisations ayant tenu leurs réunions à Brazzaville en République du Congo, du 17 au 21 juillet 2023, le Congo s’est vu confié les Présidences des Comités des Ministres de l’ASECNA et de l’OMAOC en application des statuts de ces deux organisations.
C’est ainsi, que ma modeste personne a été élue Président du Comité des Ministres de l’ASECNA et Président du Comité des Ministres de l’OMAOC le 21 juillet 2023. Une double élection qui traduit incontestablement le rayonnement diplomatique de Son Excellence Monsieur Dénis Sassou Nguesso, Président de la République et Chef de l’Etat qui ne ménage aucun effort dans le renforcement des relations entre le Congo et les pays membres des organisations précités. C’est inédit comme vous le dites, que les Présidences de ces deux Organisations aient été confiées à ma modeste personne le même jour. Mais, le grand mérite revient au Chef de l’Etat pour son action diplomatique très porteuse.