Entretien avec Annick Patricia Mongo, Conseillère spéciale du Premier ministre et Directrice générale de l’Agence pour la Promotion des Investissements (API-Congo). Cette avocate expérimentée a concouru à ce que la République du Congo soit la première destination des investissements directs en Afrique centrale.
Dans le Plan National de Développement (PND) 2022-2026, quels sont les secteurs économiques prioritaires pour les investissements ?
Le Plan National de Développement (PND 2022-2026) est la déclinaison du programme de société de Son Excellence Monsieur le Président de la République Denis Sassou Nguesso, « Ensemble, poursuivons la marche’’ qui place la diversification économique et les objectifs d’une croissance économique durable, résiliente et inclusive au cœur de ses préoccupations.
C’est à ce titre que, du point de vue de l’API-Congo, en lien avec la mission qui est la nôtre, telle que prescrite par la loi 19-2012 du 22 août 2012, et qui comprend la promotion du Congo comme destination des investissements et la facilitation des investissements privés en vue de l’accroissement des investissements dans tous les secteurs de l’activité économique, les secteurs prioritaires pour les investissements relèvent des principaux axes stratégiques prioritaires retenus par le PND 2022-2026 et aussi des domaines transversaux qui viennent en appui pour le développement de ces secteurs stratégiques.
De ce point de vue, nous encourageons et accompagnons généralement les investisseurs qui orientent leur décision d’investissement dans l’Agriculture au sens large, l’industrie, le tourisme, le numérique, les Zones Economiques Spéciales, l’Immobilier, les infrastructures de base et plus généralement les secteurs d’activités transversales qui concourent à l’atteinte des objectifs du PND 2022-2026 comme l’énergie et autres infrastructures de base.
Quelle est la place du secteur privé dans la mise en œuvre du PND 2022-2026 ?
De par les objectifs socio-économiques poursuivis par le PND 2022-2026, le secteur privé est appelé à jouer un rôle prépondérant dans la mise en œuvre de ce plan.
En effet, l’Etat attend beaucoup du secteur privé qui a été, dans une certaine mesure, associé à l’élaboration de ce plan et sensibilisé à plusieurs reprises sur cette question de la participation attendue du secteur privé à la mise en œuvre du PND. Evidemment, il n’est pas question pour le secteur privé d’investir à fond perdu à la convenance de l’Etat. Ce serait un non-sens parce que le secteur privé à vocation à attendre de ses investissements un retour sur investissements. Aussi, il s’agit pour l’Etat, de créer les conditions pour susciter l’adhésion du secteur privé à la réalisation des investissements escomptés dans les secteurs prioritaires du PND 2022-2026 et pour le secteur privé, il s’agit de saisir les opportunités que présentent les projets matures du PND 2022-2026. La participation du secteur privé est escomptée jusqu’à hauteur de 70% des investissements dans le financement des projets du PND, y compris dans le cadre des investissements sous forme de partenariat Public Privé.
L’importance de la place faite à l’intervention du secteur privé dans la réalisation des objectifs du PND peut se résumer dans la déclaration du Premier Ministre, Chef du Gouvernement qui disait dans l’un de ses discours que ‘’le Gouvernement sera jugé à sa capacité de mobiliser les investisseurs privés pour l’investissement dans les secteurs du PND 2022-2026’’.
Les instances habilitées de la ZLECAF ont finalisé l’examen juridique des trois principaux protocoles de la ZLECAF parmi lesquels le protocole sur l’investissement. Que va apporter ce dernier au Congo en matière d’IDE ?
Le Congo est un Etat partie à l’accord de la Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECAF) qu’il a signé le 18 mars 2018, ratifié le 27 décembre 2018, et la loi promulguée le 7 février 2019. Depuis lors, le Gouvernement travail à sensibiliser les acteurs économiques sur les enjeux de la ZLECAF à travers la vulgarisation de la stratégie nationale pour la mise en œuvre de la ZLECAF.
Les dispositions de ce protocole sur l’investissement dont l’API-Congo a été associée à la négociation pour le compte du Congo, sont de nature à encourager les investissements et les échanges intra-africains, mais aussi à faire de l’Afrique une destination des investissements tant pour les investisseurs hors Afrique, que pour les investisseurs africains afin d’investir dans les autres pays du continent.
Un certain nombre des dispositions relatives à l’investissement sont désormais communes pour tout le contient.
L’intégration de la notion du développement durable dans ce protocole est désormais la vision partagée par tous. C’est-à-dire que les Etats parties s’accordent à faciliter au mieux les investissements qui prennent en compte en les conciliant, les préoccupations des pays visant leur développement économique et social et la protection de l’environnement.
Autre innovation : la mise en place d’une Agence panafricaine pour le commerce et la promotion des investissements censée impulser une nouvelle dynamique aux Agences de promotion des investissements nationales des pays membres de la ZLECAF, et créer les conditions pour l’attraction et l’accroissement accrus des investissements durables intra-africains.
Le Congo qui a déjà une tradition d’attraction des investissements étrangers, notamment dans le secteur pétrolier, entend redoubler d’efforts et optimiser les réformes nécessaires pour s’aligner sur les meilleures pratiques en matière d’attraction et de rétention des investissements de manière à positionner le pays parmi les destinations privilégiées des investisseurs et des investissements de tous les horizons, y compris dans les secteurs hors pétrole, propices à l’approfondissement de la diversification de l’économie nationale.
Vous êtes dorénavant Conseillère spéciale du Premier ministre. En quoi consiste votre mission à la Primature ?
En effet, je bénéficie de la confiance du Premier Ministre Chef du Gouvernement qui a bien voulu me nommer Conseillère Spéciale, chargée de la Promotion des Investissements et de l’amélioration du Climat des Affaires.
Ma mission est d’assister le Premier Ministre Chef du Gouvernement afin qu’il prenne les mesures adaptées aux besoins de notre secteur privé en matière d’amélioration du climat des affaires.
Je dois dire que c’est une tâche exaltante mais très contraignante et ardue en termes d’obligations de résultats attendus. Parce que, comme vous le savez, le climat des affaires singulièrement est une affaire de tous et la problématique est transversale.
Des réformes et des textes sont élaborés, si chacun là où il est, dans la sphère des affaires et dans l’administration et en règle générale dans l’environnement de l’investissement, ne participe pas à l’application effective des textes pris et à la mise en œuvre efficace des réformes entreprises, tous nos efforts seront vains, et c’est précisément à ce niveau que la tâche est difficile.
Ma mission à la primature comprend donc une part importante de la sensibilisation des parties prenantes au climat des affaires et à l’environnement de l’investissement sur l’importance et l’urgence qu’il y a de prendre conscience des enjeux inhérents au climat des affaires et à la promotion des investissements et donc au markéting de notre pays comme vivier des opportunités qui ne demandent qu’à être exploitées et comme destination des investissements tous azimuts.
Entre autres, en toile de fond, il y a le dialogue public investisseur qu’il faut susciter et tisser sans cesse par tous les moyens, de manière à rapprocher au mieux et entretenir une concertation permanente entre les administrations publiques et les investisseurs, et créer ainsi les conditions qui permettent d’améliorer en continue le climat des affaires et l’offre d’attractivité de notre pays. C’est à ce prix que le Congo pourra s’arrimer efficacement aux évolutions internationales, en se dotant des capacités accrues d’attraction et de rétention des investissements utiles et innovants, favorables à la diversification économique prônée.
C’est ce à quoi nous nous attelons et c’est en considération de cette vision des choses que la première édition du « Petit déjeuner des investisseurs » a été organisée le 25 février 2023. Celle-ci a réuni les investisseurs et entreprises de droit congolais autour du Premier Ministre et de certains membres du Gouvernement, en vue d’un dialogue direct et franc qui a été bien apprécié par les entreprises. Cet évènement qui est le premier du genre, aura permis aux investisseurs installés au Congo d’exprimer franchement et directement leurs doléances au gouvernement d’une part, et d’autre part, il aura débouché sur des résolutions propres à améliorer de façon notoire le climat des affaires et l’environnement de l’investissements sur plusieurs aspects.
Par ailleurs, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement a pris plusieurs circulaires à l’attention des administrations publiques afin d’interdire certains comportements décriés par le secteur privé.
Huit femmes sont actuellement membres du gouvernement sur 37 ministres. La place des femmes au Congo est-elle plus importante dans le monde des affaires ?
A ce jour nous sommes à environ 20% de femmes au Gouvernement. Ce qui n’est pas si mal que ça même si l’on est encore en deçà de la règle de 30% de femmes dans la sphère de décisions. Il y a bien de grands pays, dits développés, qui ont un taux inférieur à celui du Congo.
Je voudrais aussi saisir l’occasion que vous m’offrez à travers cette question pour relever un fait qui n’est pas si souvent évoqué et qui est à l’avantage de notre pays à savoir l’égalité Homme/Femme en matière de salaires. On ne le dit pas assez souvent, nous sommes l’un des pays qui se distingue par le fait que les hommes et les femmes, à compétence égale, gagne le même salaire. La question du sexe ne se pose même pas quand il s’agit de la rémunération des employés ou cadres. Comme vous le savez bien, ce n’est pas le cas dans bon nombre de pays, y compris dans certains pays développés.
Quant à la place de la femme dans le monde des affaires, elle est très importante et il y a beaucoup de femmes dans les affaires au Congo. Et si à ces affaires on devait y ajouter la dimension sociale, je dirais même que la femme est le socle des affaires qui nourrissent réellement la population au Congo, parce que ce sont elles qui sont les tenancières des très petites et petites entreprises, aussi bien du secteur informel que du secteur formel de l’artisanat, qui sont pourvoyeuses d’emplois, y compris sous forme d’auto-emploi. Chacun sait combien ces secteurs d’activités fondent le sous-bassement et le creuset des très petites et PMEs/PMI constituant l’essentiel de l’économie congolaise. En considérant uniquement le secteur formel, au regard des statistiques de l’Agence Congolaise de Création des Entreprises (ACPCE), en moyenne annuelle, entre 2015 et 2021, 26% des entreprises créées l’ont été par les femmes.
Le Congo dispose donc d’un potentiel important de femmes entrepreneures et ce n’est pas par hasard que la 12ème édition du Forum international des femmes entreprenantes (Fied) réunissant plus de vingt (20) pays sous le thème « Accompagnons les entreprises africaines pour renforcer les capacités des filières de transformation, accélératrices du « Made in Africa », s’est tenue au Congo, à Brazzaville, du 31 juillet au 5 août 2023, sous le haut autorité patronage de Mme Antoinette Sassou Nguesso, épouse du Chef de l’Etat.